Rock en Seine 2007
Contrairement à Rififi, baroudeuse de choc, je ne fais que quelques festivals, et encore je n'étais à Rock en Seine que pour le 3e et dernier jour. Mon titre est donc très exagéré. Honteux, même. Mensonger.
C'est cool :-)
Les festivals "rock" (au sens large) se sont multipliés en Europe (Budapest, Exit, Primavera...) et aussi en France, je ne vous l'apprends pas. Rock en Seine 2007 fait l'objet de comptes-rendus partout, sur tous les blogs (celui de Ska mais aussi ici ou là), et dans la presse. Il y a 20 ans c'étaient les Transmusicales de Rennes qui avaient ce genre de retour d'après-concerts, puis les Eurockéennes, ou plus récemment la Route du Rock de Saint-Malo. Tous ces festivals font à peu près le plein, mais tous n'ont pas un traitement médiatique qui va dans le sens de leur fréquentation. C'est sans doute à ça qu'on mesure la cote.
Je me suis laissé tenter par le programme alléchant, bien pour une fois la tête d'affiche, Björk, n'est pas ce qui m'a le plus décidé à prendre un billet. Kings of Leon, Bat for lashes, Kelis, ces 3 là auraient suffi à me faire venir. J'avais en partie tord. En partie seulement.
Dans l'ordre, j'ai vu tout ou partie des concerts de : Bat for lashes, Housse de racket, Devotchka, Nelson, Kelis, Kings of Leon, Just Jack, Faithless, Björk. Pour vous prouver à quel point un après-concret est subjectif, vous pourrez vérifier que les Inrocks et moi n'avons pas vu les mêmes concerts (alors que nous étions bien au même endroit).
Au final, mes pronostics ont un peu été déjoués, or j'aime bien être surpris, ce qui fait déjà un motif de satisfaction.
Grosse déception en revanche avec Kelis. J'aime beaucoup l'attitude de la bossy girl, mais d'une part on a été sevrés des titres de son premier album, que j'aime beaucoup, et la formation très rock qui l'accompagnait avait un son très dur, genre fusion agressive, très éloignée de ses albums. Elle tient bien sa scène, mais ça ne me suffit pas. Evidemment c'est tout à son honneur de ne pas reproduire ses disques à la note près, mais le son était un peu brouillon, et sa voix noyée au mileu de la guitare rock. Pas génial comparé à ses excellents albums. Mais toujours meilleur que Devotchka, plutôt chiant, sans personnalité, j'ai l'impression d'entendre un DJ qui passerait en alternance un best of de Police et un album d'Arcade fire. Je ne comprends pas l'enthousiasme actuel autour d'eux. A oublier.
Je suis même parti avant la fin, pile à temps pour déguster les premières notes des Kings of Leon sur la grande scène. Caleb s'excuse d'être peu en voix, ce qui ne s'entend pas vraiment. Mais son timbre si particulier ne passe pas si bien que ça la barre de réglages son un peu plats. Bon concert, bonne énergie, mais pas tout à fait autant d'élan que j'en attendais. J'ai eu plaisir à découvrir des morceaux des albums précédents, j'ai bien aimé le concert, mais il fallu attendre le long et incandescent knocked up pour que je me sente enfin décoller, à 3 morceaux de la fin. Je pensais qu'ils feraient un peu mieux que ça. Ce sont de bons rockers mais ils ne se sont pas donnés, on ne sentait pas d'alchimie particulière, la scène n'iradiait pas cette envie brûlante qui crée la communion avec le public.
Just Jack, lui, s'en tire mieux. Il balance d'entrée de jeu son tube du moment, l'ultra dansant Starz in their eyes. Puis il déroule, sa pop-hip-hop, groovy à souhait, c'est de la bonne musique pour les pieds. J'ai l'impression qu'il ne s'est pas foulé pour les orchestrations live, mais le son est bon, on déguste ça depuis la pelouse avec quelques potes, et ça passe bien. Mieux que bien même, c'est un concert sans rien à jeter, ce qui est déjà beaucoup, non?
Reine de la nuit, Björk a donné un concert puissant, visuellement riche, et avec des longs épisodes de furie qui doivent beaucoup à ses bidouilleurs sonores, notamment à la reactable. Ses trouvailles visuelles, comme les filaments qu'elle jette de ses doigts, ont sauvé le début de concert de l'ennui. J'ai mis 20 minutes à y entrer, 20 minutes durant lesquelles pas grand chose ne venait me faire oublier qu'elle chante tout de la même manière. Pour être franc, ma première réaction a été la surprise, je pensais qu'elle bougerait comme une furie alors qu'elle ne sait pas tellement quoi faire de son corps (c'est dire si je la connais mal). Ensuite, la diversité de ses titres, et le choix bienvenu de sa fanfare islandaise (que des femmes aux cuivres) m'a plu par moments. Disons que je comprends mieux la fascination qu'elle exerce. Mais de là à la partager... D'ailleurs honnètement, beaucoup d'anciens fans se disent déçus. Les grands artistes peuvent décevoir, ce n'est pas une injustice de le dire, et en revanche il est une injustice bien plus répandue et que je regrette, qui consiste à ne pas croire que dans un tel festival les meilleurs concerts puissent venir de "petits" groupes ou des plus commerciaux.
Hormis l'époque (courte) où je faisais des rave dans les sous-bois et les garages sous-terrains, je n'ai jamais été fan de techno. Sans détester non plus, du coup je me suis plutôt laissé prendre au set de Faithless, entre vieux tubes techno et discours peace & love de son chanteur-toaster, qui rappelle que les années rave se sont voulues une resucée du summer of love. Musicalement je me suis parfois un peu emmerdé, mais dans l'ensemble c'était rafraichissant.
Ce qui m'a calmé, en revanche, c'est de voir que derrière les branleurs puants de Naast et les voix de crécelle des Plasticine, grossit une nuée de bons groupes à peine plus âgés. Les p'tits rigolo de Housse de racket sont assez anecdotiques, mais au moins leur dancefloor fonctionne, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Et la superbe surprise de la journée s'appelle Nelson. Ces gars là ont écouté beaucoup de bons disques sans que ça pèse sur leur musique. On passe d'influences new wave très 1980 à un son plus electro évoquant un New Order plus tardif, voire la vague néo-rock récente, avant qu'on revienne aux fondamentaux 80s. Bien sûr ils ne sont pas encore au top, mais ils sont déjà excellents, vraiment, et je ne serais pas surpris qu'à la longue ils s'imposent dans cette génération de minots. Ca y est, je commence à voir des groupes dont les membres ont quasiment la moitié de mon âge, il va falloir que je m'habitue.
Alors? Alors au final, les autres sont d'accord avec moi. Ce n'est donc pas seulement parce que je suis fan que je vous affirme que le meilleur concert de dimanche aura été celui de Bat for lashes. Sans conteste. Alors que Natasha Khan vous expliquait ici qu'elle préfère jouer de nuit, que sa musique est nocturne, elle a ouvert la journée avec une aisance déconcertante. J'ai retrouvé cette qualité de son, cette beauté des arrangements et des voix, cette qualité d'interprétation qui m'avaient fait fondre au début de l'été. Bat for lashes prend la scène à son compte, elle mène le concert avec puissance et assurance, nous entrainant dans son univers luxuriant. "Elle est impressionnante", me dit un ami qui la découvrait.
Pour ne rien gâcher, Natasha Khan prend un plaisir immense à jouer devant nous, et ce plaisir communicatif nous fait trouver à tous le temps un peu court. Toute surprise que trois-quarts d'heure soient déjà écoulés, elle annonce penaude qu'elle doit arrêter là, alors que visiblement elle aurait volontiers continué. Nous aussi, Natasha. Nous aussi :-)