Viva la huelga

Publié le par arbobo

Le festival de Saintes (anciennement "académies musicales") est plus vieux que moi. Il se trouve que j'y mets rarement les pieds, dates de vacances oblige. Si le chef Philippe Herreweghe est depuis des années le pilier de la programmation et de la direction musicale, un autre homme est un habitué du festival et contribue à sa renommée.

Le belge Paul van Nevel, chef de choeur et musicologue émérite, est un proche de Herreweghe. Tant mieux, puisque la musique sacrée qu'il fait revivre s'exprime à la perfection dans les églises de Saintes. Le joyau de la ville est la superbe abbaye aux Dames, de l'autre côté de la Charente. Exilé un jour à la cathédrale Saint-Pierre, il a vite ravalé son dépit et demande désormais chaque année à profiter de ses proportions impeccables et de sa voute en bois, qui offrent une acoustique parfaite pour son choeur.

Mardi soir, le Huelgas ensemble nous a servi un programme crescendo. Si l'école anglaise a toujours fait vivre la musique d'un Byrd ou d'un Purcell -grâce à Alfred Deller particulièrement, la musique médiévale et renaissante a longtemps été négligée. Il a fallu retrouver les subtilités de l'époque, exhumer les traités et comprendre ce que voulaient les compositeurs de l'époque. Mardi nous avions 3 compositeurs du 16e siècle, pousses tardives d'un art vocal forgé depuis l'ars nova du 12e siècle, alors que le baroque foisonnant posait ses premières notes. C'est toute cette période, longue de cinq siècles, que Van Nevel explore assidument depuis plus de 30 ans.

Le Huelgas ensemble a été créé dans les années 1970, mais la quinzaine de chanteurs (dont 4 chanteuses) qui le composent sont renouvelés au fil du temps. C'est une formation assez jeune qui s'est présentée devant nous, avec une bonne proportion de trentenaires voire plus jeunes.

A la croisée de la cathédrale, le choeur chantait en cercle tourné vers l'intérieur, Van Nevel dirigeant le tout un diapason à la main, petit homme alerte, à la moustache de morse et au geste sûr.

Trois compositeurs au programme, une messe de Palestrina, une messe d' Ashwell, et des lamentations de Jérémie de Roland de Lassus (qu'on appelle indifférement Orlando di Lasso). J'ignorais jusqu'à l'existence de l'anglais Ashwell, dont la messe coupée en 2 terminait la première partie et ouvrait la seconde. En revanche les Lamentations m'étaient familières, grâce à un disque somptueux du Huelgas, publié comme d'habitude chez Harmonia Mundi. On y trouve des Lamentations de la renaissance, toutes tirées du livre de Jérémie, par différents compositeurs.

Le programme est allé du bon vers le sublime. J'avoue avoir trainé un peu la patte durant la messe de Palestrina, malgré l'art consommé de cet ensemble et mon goût prononcé pour le chant sacré de cette période, je l'ai trouvée un peu aride et manquant d'élan. Quel contraste avec Ashwell le virevoltant, qui ose des passages audacieux qui vous tirent par l'oreille. Puis Lassus... la perfection.

Je pourrais entendre ces chants des heures durant. Il est rare d'être porté à ce point par un choeur, sur des harmonies alliant rigueur absolue et légèreté quasi céleste. Un seul mot me vient pour décrire ce concert : élévation.

L'art vocal maîtrisé à ce point lève bien des doutes sur les capacités humaines. Je vous invite plutôt deux fois qu'une à vous frotter les oreilles aux disques de Van Nevel et ses chanteurs.

Viva la Huelga.

Publié dans concerts

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T'es en vacances du côté de Saintes ou du côté de Fouras ? Tu pourrais passer me voir à Châtel
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L
Déjà frottées , les ouïes, depuis le temps ;-) mais Ashwell j'avoue que ça me dit rien ou alors j'ai oublié (rhooo!) or donc et par conséquent, apuka aller à la médiathèque, ça m'intrigue !<br /> Merci Merci !
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